Incinérateurs et décharges ont encore un bel avenir.
«NIMBY», Not In My Back Yard (pas dans mon jardin). En France, l'acronyme a du succès, tant le moindre projet d'incinérateur ou de «centre d'enfouissement
technique», formule moins abrupte que «décharge», déclenche immédiatement l'hostilité des riverains. Dans ses conclusions, le groupe déchets du Grenelle s'est fixé pour objectif de diminuer leur
volume de 15% à l'horizon 2012.
Une ambition «insuffisante» pour les écologistes qui dénoncent de surcroît l'énorme décalage entre «la réglementation et la réalité», assure Sébastien
Lapeyre, du Cniid. Farouche opposant aux Usines d'incinération des ordures ménagères (UIOM), qu'il accuse de produire de trop fortes quantités de dioxine, de poussières, d'acide chlorhydrique ou
de métaux lourds, le militant est aussi en guerre ouverte contre l'argument de la valorisation énergétique brandi par les promoteurs de l'incinération ou du biogaz de décharge. Selon lui, «les
rendements énergétiques sont médiocres, à peine 20%, mais le lobby de l'incinération s'accroche à cette filière, car elle bénéficie de tarifs de rachats préférentiels de l'électricité
produite».
Energie verte?
«Les écolos ne comprennent rien», rétorque Gilles Vincent, maire de Saint-Mandrier dans le Var et vice-président de l'Association des maîtres d'ouvrage pour
les réseaux de chaleur (Amorce). «Dans l'agglomération toulonnaise, l'unité d'incinération alimente en énergie 2.000 logements sociaux et elle a fourni 90.000 MV en 2007. En outre, elle répond
aux normes environnementales européennes : le seuil de 0,1 nanogramme de rejet de dioxine est respecté sans problème et le suivi de la pollution est réalisé par tout un dispositif de capteurs
installé autour de l'usine». Dialogue de sourds? Entre les défenseurs de l'incinération qui présentent leur industrie comme une activité «verte» puisqu'elle fabrique de l'énergie en brûlant des
ordures et ceux qui condamnent cette pratique, le gouvernement a tranché en faveur des premiers.
Quant aux décharges, la loi Lalonde de juillet 1992 avait fixé un délai de 10 ans pour les éradiquer du paysage de l'Hexagone. Un échec cuisant. Même si
l'essor de la collecte sélective a permis de stabiliser la quantité de déchets mis en décharge, 40% de la production globale de la France est toujours dirigée vers cet exutoire.
Embarquez, c'est pesé
Vigoureusement conviés à trier avant de jeter, les Français se plient généralement au jeu mais ils ne s'estiment pas du tout payés en retour. Chaque année,
plus d'un ménage crie au scandale à la lecture de sa facture : «les collectivités se sont engagées sur des investissements très importants pour s'équiper en installations d'incinération»,
explique Stéphane Lapeyre. «Et il faut bien les rentabiliser. Ce système bloque toute possibilité de réduction des déchets et des coûts de traitement.» La question de la tarification incitative,
notamment la «pesée embarquée», telle qu'elle est déjà pratiquée avec succès dans certains secteurs, comme dans le Haut-Rhin, a été maintes fois soulevée au Grenelle.
Seule certitude : un comité a été chargé d'approfondir le principe d'une taxe d'enlèvement des ordures ménagères dotée d'une part fixe et d'une part variable
dont la détermination serait laissée au libre choix des collectivités. Une bonne question à poser aux candidats en campagne pour les prochaines municipales...
P. C.
Est Républicain - 22/01/08