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Association ACCID

ACCID est une association loi 1901 qui a pour but de s'opposer à l'implantation d'un Centre de Stockage de Déchets Ultimes ou à tout autre type de décharge ou de stockages contrôlés

27 ans de pollution, et pas de coupable

Dans l'article précèdent sur la décharge de Sainte-Sévère, il était fait référence aux époux LAVAUD de Poullignac, l'autre CSDU de Charente. Cela m'a intrigué et j'ai recherché la fin de cette histoire. Même si les époux LAVAUD ont été indemnisés en 1998 par le SVDM qui a acheté leur ferme, et la décharge plus ou moins mise aux normes, il est absolument inadmissible que pendant 10 ans (de 1988 à 1998), les dirigeants du SIVOM aient continué à polluer les sols et rivières en toute connaissance de cause. Et pour cela, ils ne seront jamais jugés, la prescription pour ce délit étant de 3 ans. En plus, la fameuse ferme va servir d'extension à la décharge !!

POULLIGNAC: LA JUSTICE CLÔT LE DOSSIER SANS PUNIR LES VÉRITABLES RESPONSABLES

Vingt-sept ans de combat pour pas grand-chose. Hier, heureusement que les époux Lavaud ne comptaient pas sur la décision du tribunal pour être indemnisés. Ils n'auraient rien eu. Depuis 1980, ils vivent dans la pollution, au pied de la décharge de Poullignac. Mais hier, à la barre du tribunal, il n'y avait que le syndicat de valorisation des déchets ménagers (SVDM) pour endosser la responsabilité. Le syndicat a été relaxé. Une décision qui satisfait le couple victime. Pour eux, la justice n'a pas poursuivi le bon coupable.

Petit voyage dans le temps. 1977, «la France traverse les 30 glorieuses. Le Français consomme et jette 10 fois plus», décrit Me Hervé Pielberg, l'avocat du SVDM, aujourd'hui appelé Calitom. «Il faut construire des décharges à la hâte». 28.000 dans toute la France.

A l'époque, il n'y a aucune norme. En Charente, il y aura Poullignac «parce que le site est juste à côté d'une route». Le terrain choisi surplombe un petit ruisseau
.

Quarante-cinq vaches sont mortes

«Quand on a acheté», peu de temps avant, «on ne savait pas qu'ils voulaient construire une décharge», explique Jeanne Lavaud, au tribunal. La décharge ouvre en 1979. Elle est gérée par un syndicat intercommunal qui regroupe 80 communes autour de Poullignac (Sivom).

Quelques mois plus tard, la première lettre de plainte des époux Lavaud est envoyée aux responsables. La question qui revient continuellement à l'audience, hier matin,
c'est pourquoi personne n'a rien fait plus tôt. En 1988, lorsqu'un premier rapport établit la pollution et en 1989 quand le tribunal administratif de Poitiers condamne le Sivom, pourquoi ne fait-il aucun aménagement? Même question en 1996 quand Hydro Invest remet un nouveau rapport toujours aussi accablant, faisant état de plomb, d'arsenic et de chrome dans l'eau du petit ruisseau et partout dans les terres entourant la ferme.

A la barre, Jean Révéreault est bien seul. Le président de Calitom ne peut apporter de réponses. Son syndicat départemental n'existe que depuis décembre 1997. Il n'a hérité de la propriété de Poullignac qu'en 1998 et il a immédiatement entamé les travaux de mise aux normes. «Votre tribunal poursuit Calitom comme étant le pollueur alors que c'est lui qui a tout fait pour dépolluer». C'est aussi lui qui a trouvé une solution pour les époux Lavaud.

«J'ai été élu président en juin 2003, dès le mois de septembre, je les ai rencontrés», affirme Jean Révéreault. Le couple victime acquiesce. Et les discussions ont abouti. «
Calitom leur a racheté leur ferme et versé des indemnités» pour le préjudice. Quarante-cinq vaches sont mortes à cause de la pollution. Jeanne Lavaud a été malade parce que l'eau qui coulait à son robinet était impropre à la consommation. Calitom a fait un chèque de 1,2 million d'euros au total.

C'est pour ça qu'hier, le couple n'était pas partie civile. Parce que sa colère n'est pas dirigée contre le SVDM mais contre le Sivom qui «n'a jamais pris ses responsabilités», peste René Lavaud.

Il cite notamment Philippe Arnaud, le dernier président du Sivom et aujourd'hui sénateur. Il aurait refusé de leur transmettre les résultats des analyses d'eau notamment. «Il m'a répondu: "
On ne va pas vous les donner pour que vous vous en serviez contre nous"». «Je crois que les dirigeants de l'époque les ont traités avec mépris», lâche Jean Révéreault, un peu dégoûté d'être le seul prévenu.

Le procureur voulait quand même 20.000 € d'amende à l'encontre de Calitom tout en reconnaissant que le SVDM «avait hérité de la situation». Pas d'accord répond Me Pielberg, d'abord parce que la prévention parle de pollution. «Calitom ne peut être reconnu responsable de la pollution puisqu'à la période visée par la prévention (ndlr au cours de l'année 1997), Calitom n'était pas propriétaire de la décharge. Et depuis qu'il en a la gestion, Calitom a investi 13 millions de francs (2 millions d'euros). La décharge ne pollue plus mais évidemment, la pollution ne peut pas disparaître en un claquement de doigts».

Après une petite heure de délibéré, le tribunal a relaxé Calitom tout en reconnaissant que le vrai responsable était le SIVOM.
Mais les anciens dirigeants de ce syndicat mixte ne risquent pas grand-chose, la prescription pour un délit est de trois ans.

«Les choses ont été dites», appréciait Jean Révéreault à la sortie de l'audience. «Les responsabilités de chacun sont au moins reconnues. Le procès aura permis un peu de pédagogie».
Les époux Lavaud habitent toujours dans leur ferme. Ils cherchent un coin où mettre les quelques bêtes qui leur restent pour passer une retraite paisible. Leur ferme devrait servir à l'extension future de la décharge actuelle.

Richard TALLET
Charente-Libre - 17.03.2007

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