Le code de l’environnement français ne retient pas les activités soumises à déclaration dans le champ d’application
de l’évaluation des incidences Natura 2000. Mais un jugement d’un tribunal administratif français et un recours en manquement de la CJCE ont poussé l’Etat à bouger.
Trop laxiste, le droit français de l’environnement quant à
l’approbation de projets susceptibles de causer des dégâts aux sites classés Natura 2000? Les projets qui pourraient avoir un impact sur ce réseau écologique mis en place par la directive
européenne «Habitats» (1), doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences avant d’être approuvés. Or, le tribunal administratif de Besançon et l’avocat général de la Cour de justice
des communautés européennes (CJCE) montrent que la France n’y prête pas assez d’importance.
Dans le cadre d’un recours intenté par une association environnementale du Jura, qui a obtenu gain de cause, contre un arrêté préfectoral délivrant un récépissé de déclaration d’installation
classée à une entreprise exploitant notamment des boues de station d’épuration urbaine, le tribunal administratif de Besançon a estimé le 18 juin 2009 que le code de l’environnement, «qui permet
l’application d’un régime uniquement déclaratif [le moins contraignant de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, Ndlr] même en cas de projet
susceptible d’affecter de façon significative un site Natura 2000 n’est en tout état de cause (…) pas compatible avec la directive Habitats».
Une semaine plus tard, même constat, émanant cette fois de l’avocat général de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) dans le cadre d’un recours en manquement contre la France par
la Commission européenne pour mauvaise transposition de la directive Habitats. «Force est de constater que [le code de l’environnement] est incompatible avec (…) la directive Habitats, dans la
mesure où il limite la procédure d’évaluation des incidences sur le site aux travaux, ouvrages et aménagements soumis à autorisation».
Si ces activités soumises à déclaration n’ont pas été retenues dans le champ d’application de l’évaluation des incidences Natura 2000, c’est parce que «le régime de déclaration pour une ICPE
suppose un impact limité sur l’environnement», justifie Christian Barthod, sous-directeur des Espaces naturels au Meeddm. Une anomalie qui est tout de même en voie de résolution, depuis
l’adoption de la loi sur la responsabilité environnementale (LRE) du 1er août 2008, du fait du recours en manquement lancé par la Commission européenne en juin 2008.
Deux listes –l’une nationale, l’autre locale– répertorieront «les documents de planification, programmes ou projets, ainsi que les manifestations ou interventions
soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration» qui feront l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 (2). La première sera établie par décret,
actuellement en Conseil d’Etat et bientôt publié. La seconde sera arrêtée vraisemblablement par le préfet. «Le jugement du tribunal administratif de Besançon intervient donc dans une phase où la
législation a changé et où la réglementation est en cours d’adaptation», constate Christian Barthod.
Cette mise en conformité avec la législation européenne s’inscrit dans une longue lignée de «soucis de transposition sur à peu près tous les points importants de la directive», rappelle Maxime
Paquin, chargé de mission Milieux naturels à France nature environnement. Ainsi, la France a déjà été condamnée par la CJCE le 6 avril 2000, le 11 septembre 2001 et le 26 novembre 2002
respectivement pour ne pas avoir transposé correctement la directive Habitats, pour insuffisance de transmission de sites permettant justement de constituer le réseau Natura 2000 au titre de la
directive Habitats et de la directive Oiseaux.
«On se demande si ces listes positives correspondent bien à l’esprit de la directive Habitats.» D'autre part, elles comportent plus de projets qui sont soumis à l'évaluation d’incidence que le
précédent dispositif. Il faudra donc les instruire. «Or, les services de l’Etat sont moins nombreux pour suivre tous ces dossiers», relève Maxime Paquin.
Par ailleurs, FNE critique la consultation, lancée depuis le début de l'évolution du dispositif de l'évaluation d'incidences. «Des ‘deal’ sont passés en bilatéral avec certains acteurs, que le
ministère affiche après que les consensus ont été trouvés avec l'ensemble des acteurs. C’est d’autant plus regrettable qu'ils n'intègrent pas tous les projets pouvant impacter les sites Natura
2000. Par exemple, les documents de gestion forestière soumis à cette évaluation ne le sont que dans les sites Natura 2000, alors que certaines espèces de chauve-souris présentes dans les sites
ont des territoires de chasse en dehors qui dépendent de la gestion forestière».
«La France va donc devoir convaincre la Commission que ce nouveau dispositif répond aux principaux objectifs de la directive, ce qui ne va pas être facile», juge Maxime Paquin.
Quoi qu’il en soit, «ces nouvelles règles [la création de deux listes] importent finalement peu dans le cadre de cette procédure (…) car c’est l’état du droit à l’expiration du délai fixé par la
Commission dans l’avis motivé, soit au 15 février 2007, qui compte», relève la CJCE. Si la France est condamnée, ce qu’a requis l’avocat général le 25 juin dernier, les dispositions prises pour
se conformer à la directive seront réexaminées par la Commission. Bruxelles pourra éventuellement réclamer une amende si la France n’a toujours pas atteint les objectifs de la directive.
(1)
Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages
(2) Article 13 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de
l'environnement
18/09/2009 12:18
Journal de l'environnement