ACCID est une association loi 1901 qui a pour but de s'opposer à l'implantation d'un Centre de Stockage de Déchets Ultimes ou à tout autre type de décharge ou de stockages contrôlés
7 Novembre 2008
Des industriels veulent implanter une méga-décharge d'enfouissement dans l'Est. Les opposants
résistent.
NANCY.- A Hirschland, dans l'Alsace Bossue, à Bathélemont, dans le Lunévillois, à Rugney, Escles et Robécourt, dans les Vosges... Les projets de centres
d'enfouissement de déchets ménagers et industriels banals se multiplient dans l'Est de la France. Les industriels spécialisés dans la gestion des déchets montent des dossiers, en leur nom, ou par
le biais d'une société écran. Ils sont à la recherche de grands terrains, au moins 50 hectares, isolés, bien accessibles et... à vendre. Ils sont prêts à payer cher, plus de dix fois le prix de
la terre agricole. Ensuite, il doivent satisfaire à une procédure longue et technique, avec enquête publique. Face à eux, la plupart du temps, des associations de défense et des élus font
barrage. Avec plus ou moins de bonheur.
Serge Husson, maire de Bathélemont.
Photo ER
Le cas du petit village de Bathélemont, perdu dans le Lunévillois, est, de ce point de vue, emblématique. C'est le maire, Serge Husson, qui a pris le taureau par les cornes. La future décharge
était visible de ses fenêtres, sur une butte, à un jet de pierre des premières maisons de la commune. Selon lui, le « non à la décharge » exprimé par ses administrés allait au-delà du
traditionnel réflexe de rejet : pas dans mon jardin. « Notre opposition constitue un manifeste contre la prolifération des centres d'enfouissement car ces déchets peuvent être dangereux et
portent atteinte à l'environnement. La France viole les réglementations européennes et les contrôles ne sont pas suffisants ».
Dans l'épaisse étude qu'il a rédigée sur la question, Serge Husson montre comment des gaz toxiques s'échappent des décharges, comment des « lixiviats », ces jus de décharge, suintent dans la
terre jusqu'à contaminer les sols et l'eau, comment ces sites de stockage font proliférer rats et mouettes, porteuses de germes pathogènes. Ce qu'il prône, c'est « la réduction des déchets, leur
valorisation et la prise en charge effective du problème par les territoires et les départements ».
Menace sur les Vosges
Son travail qui a duré des mois a abouti à un avis défavorable du commissaire enquêteur. Dans ces conditions, on voit mal comment le préfet, seul habilité à prendre une décision, pourrait
finalement donner son feu vert. Aux communes qui pourraient être tentées, pour des raisons financières, d'accueillir un centre d'enfouissement, Serge Husson décrit l'impact paysager, la
dévaluation des biens immobiliers, la mort du tourisme, la disparition d'une partie de la flore, les odeurs putrides... De quoi faire réfléchir !
Si Bathélemont a toutes les chances d'échapper à sa décharge, ce n'est pas le cas de Robécourt, dans les Vosges. La problématique est la même dans ce petit
village de 110 habitants. A cet endroit, la société Villers Services a signé un compromis pour l'acquisition d'une clairière de 130 hectares, susceptible d'accueillir 110.000 tonnes de déchets
sur une période de 25 ans. En face, l'association ACCID (Action citoyenne contre l'implantation d'une décharge) est entrée en résistance. Le projet a été déclaré recevable par la DRIRE mais
recalé devant le conseil général, maître du plan départemental d'élimination des déchets. Il est actuellement en attente d'études hydrologiques par le BRGM. Eric
Valtot, président d'ACCID, plaide lui aussi pour une reprise en main de la gestion des déchets par les pouvoirs publics, pour le recyclage et la diminution de la production de déchets.
Mais, pour Robécourt, le risque est fort. Car il faudra remplacer la décharge vosgienne de Menarmont fin 2009 et deux autres dossiers ont déjà échoué, ceux de Rugney et
Escles.
Ludovic BASSAND
Est-Républicain - 07/11/2008
L'Alsace Bossue y échappe
La résistance des habitants de Hirschland a fait capoter un projet de méga-décharge.
Explications.
HIRSCHLAND.- Petite localité à
vocation principalement agricole d'à peine 300 âmes, Hirschland a failli devenir l'une des plus grosses poubelles de France ! Une société industrielle spécialisée dans l'enfouissement des déchets
envisageait d'installer dans cette commune de l'Alsace Bossue un site d'enfouissement de 95 hectares. C'est la mobilisation de l'Association de sauvegarde de la vallée de l'Isch (ASVI), puis de
l'ensemble de la population et de l'écrasante majorité des élus, qui a permis d'échapper au pire dans ce coin de campagne, excroissance alsacienne sur le plateau lorrain.
C'est une indiscrétion qui a éveillé les soupçons. Une famille d'agriculteurs a reçu une proposition fort alléchante pour ses terres, à dix fois le prix habituel. « C'est
Villers Service, une toute petite société basée dans l'Aisne,
qui se portait acquéreur », explique Gilbert Quirin, le président de l'ASVI. « En fait, il s'agissait de boucler un projet d'enfouissement de déchets d'origine industrielle pour l'un des gros
acteurs de ce secteur économique... » En France, le marché des déchets est trusté par Sita (groupe Suez), Veolia, et Séché Environnement. Pour ouvrir une décharge, il suffit d'un terrain, d'une
étude d'impact favorable, d'un dossier technique, d'une enquête publique et, point non négligeable, de satisfaire au plan départemental d'élimination des déchets.
Généralement, lorsque les populations sont mises au courant, il est déjà tard pour réagir. « A Hirschland, nous avons pris les devants. Nous estimions que la décharge en projet allait recevoir
120.000 tonnes par an, avec tous les désagréments liés et, surtout, les risques de pollution de l'air, des sols et de l'eau. En avril 2008, cela nous tombait dessus. Dès juin, une manifestation
réunissait 3.000 personnes. Ce qui a permis de se faire entendre... » Dans la foulée, le préfet a réuni les différentes parties. Le maire d'Hirschland, Guy Dierbach, a réagi en instaurant un plan
local d'urbanisme (PLU), de façon à geler l'affectation des terres. La société Villers Service a fait machine arrière, stoppant le projet avant même que celui-ci ne soit réellement officiel.
Une belle victoire pour l'ASVI qui plaide pour la politique des trois « R » en matière de déchets : « Réduction, réutilisation, recyclage ». D'autres solutions existent, comme celle qui va être
mise en œuvre à côté de Montpellier par des Canadiens, qui consiste à gazéifier les détritus avant de récupérer l'infime partie non valorisable : des métaux lourds devenus déchets ultimes mais
qui, au moins, ne se diffusent pas dans la nature.
Après Hirschland, les industriels du déchet cherchent toujours où implanter leur méga-décharge. L'Est de la France, aux confins des Vosges, de la Moselle et de l'Alsace constitue visiblement une
cible.
• Pour en savoir plus : www.asvi.tv
Ludovic BASSAND
Est-Républicain - 07/11/2008